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Comment le digital peut-il servir l’efficacité énergétique dans l’industrie ?

Comment le digital peut-il servir l’efficacité énergétique dans l’industrie ?

Le monde de l’industrie doit aujourd’hui composer entre de réels enjeux environnementaux (émissions de gaz à effet de serre, efficacité énergétique) et ses impératifs économiques. La digitalisation est un levier indispensable pour que ce secteur puisse effectuer une transition énergétique à moindre coût. Comment améliorer l’efficacité énergétique grâce au digital ? Réponse avec Émilie Bouquier, qui dirige la Business Unit “Multi-énergies et Digital” chez Teréga Solutions, filiale de Teréga.

En quoi la digitalisation est-elle un enjeu prioritaire pour l’industrie, notamment en ce qui concerne l’efficacité énergétique ?

Émilie Bouquier - Dans le milieu industriel, la transformation digitale est un levier d’action majeur pour optimiser l’efficacité énergétique et économique des machines. À l’heure actuelle, la plupart des industries n’exploitent que 10% de leurs données, ce qui ne leur permet pas de mettre en place des actions significatives. Le plus souvent, chaque fournisseur de machines industrielles propose sa propre solution pour visualiser et valoriser les données de ses machines. Cette approche ne permet pas d’avoir une vision d’ensemble et d’initier des actions à l’échelle du site industriel dans son intégralité. Souvent, les données ne sont même pas consultées.

La première étape de la transformation digitale de ce secteur, et non des moindres, repose donc sur la collecte et le management de l’ensemble des données. Il faut pouvoir récupérer et stocker toutes ces informations sur un espace unique hautement sécurisé.

Chez Teréga, lorsque nous avons entamé notre transformation digitale, nous nous sommes rendu compte que la solution réunissant tous nos critères (propriété de la donnée, exigences de cybersécurité…) n’existait pas. Nous avons donc décidé de créer notre propre outil digital afin qu’il corresponde parfaitement aux besoins d’un opérateur d’infrastructures gazières comme nous : améliorer l’efficacité technique et énergétique de notre parc machines, réduire les émissions de gaz à effet de serre, garantir la sécurité de nos informations industrielles.

Biographie de l’expert

Diplômée de l’école d’ingénierie ESME Sudria, Émilie Bouquier a débuté sa carrière en 2004 comme Project Management Officer (PMO) chez Planitec, spécialiste de la gestion de projets, avant de devenir consultante pour Accenture, puis Chef de projet SI chez AXA France Service. En 2013, elle rejoint Teréga en tant que Chef de projet SI sur les process “cœur business”, avant de devenir Responsable du Département Infra & Techno au sein de la Direction de la Transformation, du Digital et de la Performance (DTDP). En 2021, elle est nommée au poste de Directrice de la Business Unit (BU) “Multi-énergies et Digital” au sein de Teréga Solutions, filiale de Teréga.

Son profil LinkedIn
Portrait Émilie Bouquier

En quoi consiste cette solution digitale développée chez Teréga et en quoi se distingue-t-elle des autres ?

É. B. - La première brique de notre solution, baptisée IO-BASE, concerne la valorisation de la donnée industrielle. Notre problématique était de “fermer” nos réseaux de communication industriels pour les sécuriser, tout en “libérant” la donnée pour la rendre visible. Pour cela, nous avons conçu une box (INDABOX) qui permet de récolter la data en respectant les contraintes de sécurité très fortes liées aux activités de transport et de stockage de gaz de Teréga. Notre solution devait aussi répondre à des impératifs pratiques et économiques, ainsi nous avons voulu que la box soit implémentable facilement sur des équipements existants.

De plus, Teréga devait impérativement rester propriétaire de toutes les données. En effet, les solutions qui existent actuellement proposent un système de captation de la donnée, qui rend l’utilisateur “captif”. La donnée devient la propriété du prestataire et l’industriel n’a accès qu’à une fenêtre de visualisation. Cela signifie qu’en cas de changement de solution, les données déjà récoltées sont perdues. Il faut repartir de zéro. En cela, la plateforme digitale IO-BASE propose une solution vraiment pérenne en garantissant à l’utilisateur de rester propriétaire de sa donnée, même s’il décide de changer de prestataire pour son management.

Enfin, nos solutions doivent également s’inscrire dans une logique de frugalité numérique. Nous travaillons ainsi uniquement sur les clouds publics qui, contrairement aux data centers privés très énergivores, peuvent optimiser leur consommation d’énergie en fonction de l’utilisation réelle de leurs clients.

Comment avez-vous travaillé votre transformation digitale chez Teréga ?

É. B. - Au départ du projet de digitalisation de l’entreprise, il y avait ce besoin de construire des outils sur-mesure pour nos activités historiques de transport et stockage de gaz. Pour cela, nous avons rapidement compris qu’il était nécessaire de créer une équipe rassemblant à la fois les compétences digitales et la connaissance de nos métiers. Des collaborateurs issus de nos équipes plus opérationnelles ont ainsi rejoint le pôle digital, renommé pour être plus en adéquation avec nos ambitions : Direction Transformation, Digital et Performance.

Cette approche a été décisive, ainsi que l’esprit d’innovation qui est entretenu chez Teréga. On nous dit : « Vous voulez le faire ? Faites-le. » Cette dynamique est importante quand on entreprend une démarche de transformation, car chacun peut se sentir légitime à apporter ses idées et à nourrir le débat. Parfois on se trompe bien sûr, mais toujours on avance !

Aujourd’hui, avec la création de la filiale Teréga Solutions et de notre Business Unit dédiée aux sujets “Multi-énergies et Digital”, notre ambition est de proposer nos solutions de transformation digitale et d’optimisation de l’efficacité énergétique à d’autres acteurs pour qu’ils puissent profiter de notre expérience et de notre expertise sur le sujet avec une solution “clé en main”.

-80%*

d’impact environnemental environ

10 fois*

plus d’infos récoltées

15%*

de réduction des transports

200%*

d’accélération de la mise à disposition des données

Qu’est-ce qu’on entend par « multi-énergies » et pourquoi est-ce un enjeu si fortement lié au digital ?

La décarbonation de notre consommation d’énergie passe par la constitution d’un mix énergétique vertueux, plus varié, qui va reposer sur des énergies renouvelables pouvant être produites et consommées localement : électricité éolienne ou solaire, biométhane, hydrogène… Penser un réseau multi-énergies, c’est réfléchir aux moyens de produire la bonne énergie pour chaque besoin et de limiter les pertes.

En cela, le digital est indispensable pour pouvoir collecter et traiter les données liées aux différentes énergies en temps réel. C’est la condition nécessaire pour s’assurer que les productions correspondent bien aux besoins – et inversement – et que tous les processus fonctionnent correctement. Le digital nous donne la capacité, quel que soit le problème, d’agir rapidement pour régler les déséquilibres sur le réseau.

Notre ambition à terme est de pouvoir connecter différents sites producteurs et consommateurs d’énergies dans un réseau intelligent afin d’optimiser l’efficacité énergétique de cet ensemble. Cette interconnexion permettrait notamment de capter les énergies gaspillées lors des procédés industriels et qui pourraient être utilisées sur un autre site. Ce sur quoi nous travaillons chez Teréga, c’est à la valorisation de ces énergies pour qu’elles soient consommables.

Par exemple, la fumée rejetée par certains sites est composée de CO2. Plutôt que de laisser s’échapper ce gaz à effet de serre, on peut l’associer à de l’hydrogène (H2) produit à partir de déperditions d’électricité et ainsi obtenir du méthane de synthèse (CH4). Ce méthane possède les mêmes caractéristiques que le gaz naturel et peut donc alimenter les industriels qui ne peuvent pas fonctionner à l’électricité. Un système multi-énergies permet ainsi d’accompagner les industriels dans leur démarche de décarbonation sans impacter leur mode de production.

Le multi-énergies est-il cette « troisième révolution énergétique, celle combinée des énergies renouvelables, du digital et des réseaux intelligents » annoncée par Nicolas Hulot en 2018, en introduction au Forum de la Transition énergétique ?

E. B. - Je suis totalement alignée avec cette idée. La prochaine révolution énergétique ne pourra se faire qu’avec le digital. Néanmoins, cette révolution aura aussi un impact sociétal puisqu’elle ne concernera plus seulement les grands acteurs de l’énergie. Dans un réseau multi-énergies, un industriel peut devenir producteur d’énergie. Cette multiplication des acteurs et des connexions doit être réfléchie en amont pour garantir un modèle économiquement viable. C’est ce que nous faisons aujourd’hui chez Teréga.

Les sites industriels et autres utilisateurs de IO-BASE participent dès aujourd’hui à concevoir le réseau multi-énergies de demain. En créant le jumeau numérique de chacun des sites, nous pouvons simuler les interconnexions entre chacun et les échanges possibles. C’est une étape nécessaire pour sensibiliser les actuels acteurs de l’énergie et les administrations, mais aussi pour rassurer les industriels en leur prouvant les bienfaits et la future valeur du multi-énergies.

Notre équipe “Multi-énergies et Digital” travaille en lien étroit avec celle du projet IMPULSE 2025 de Teréga, qui vise à concevoir le pilote d’une plateforme multi-énergies. Encore une fois, c’est l’alliance entre les savoir-faire métier et le digital qui nous permet de prendre de l’avance et d’anticiper tous les enjeux techniques et environnementaux, ainsi que les impératifs de rentabilité de cette “révolution énergétique”. On va vers un nouveau marché de l’énergie, avec davantage de “petits” acteurs, qui doit être pensé dès maintenant.