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Les potentialités de l’hydrogène sont nombreuses. Pour en bénéficier pleinement, il convient de développer une filière hydrogène bas-carbone compétitive. C’est l’un des objectifs des travaux menés par le Comité stratégique de filière, Nouveaux Systèmes Énergétiques. Lumière avec sa déléguée générale, Aurélie Picart.
Aurélie Picart – On produit environ 1 Mt/an d’hydrogène (H2) en France. Il est aujourd’hui principalement utilisé dans l’industrie comme matière première ou élément de procédé industriel, mais sa production est essentiellement carbonée. Grâce à la technologie de l’électrolyse, l’hydrogène peut être décarboné et représente alors un levier de décarbonation pour l’industrie ou les transports ; il peut également être utilisé comme solution de stockage énergétique. L’enjeu de son développement réside dans la création d’un cercle vertueux d’économies d’échelle : l’accroissement de la demande entraîne une baisse des coûts qui accroît la demande. Un tel cercle vertueux a permis aux secteurs du solaire et des batteries de diviser par dix le coût de leurs technologies en dix ans.
A. P. – La course aux économies d’échelle est déterminante pour que la France puisse se positionner technologiquement. L’industrie étant le principal consommateur d’hydrogène, sa version décarbonée va pouvoir s’y développer rapidement, en premier lieu sur les usages pouvant payer un premium. L’industrie est le marché le plus structurant pour une baisse rapide des coûts. À l’horizon 2030, on pourrait produire près de 45 kt/an d’H2 décarboné pour le secteur de l’énergie, 148 kt/an pour celui de la mobilité et 477 kt/an pour l’industrie et les carburants alternatifs.
A.P. – Lancés en 2010, les Comités stratégiques de filière réunissent industriels, État et organisations syndicales au sein du Conseil national de l’industrie. Le CSF NSE vise à faire de la transition énergétique une opportunité de réindustrialiser la France. Le nouveau contrat signé en novembre 2021 pour la période 2021-2023, en présence de Dominique Mockly, se fixe pour ambition de développer l’industrie de la transition énergétique (décarbonation, efficacité énergétique, énergies renouvelables, réseaux énergétiques et stockage).
Sur l’hydrogène, l’objectif est double : améliorer la compétitivité de l’H2 bas-carbone tout en développant une filière industrielle française de l’hydrogène. Nous animons un vaste travail partenarial pour le développement de projets de bassins d’H2 décarboné ; nous accompagnons les industriels porteurs de projets d’envergure et les territoires pour développer des synergies autour de ces grands projets. L’ambition est d’accélérer l’accès à l’H2 bas-carbone et renouvelable et de développer l’industrie tout au long de la chaîne de valeur.
Teréga est très impliqué au sein des différents groupes de travail du CSF NSE, pour développer les différents nouveaux gaz. C’est un acteur clé de l’hydrogène et porteur de projets structurants d’envergure internationale. Moteur dans le projet de bassin d’hydrogène du Sud-Ouest, Teréga est aussi un acteur majeur pour les partenariats français et européens, notamment espagnols. L’entreprise est engagée à nos côtés sur les Challenges de l’énergie pour faire connaître les opportunités d’achats aux industriels français en diversification, et parraine la nouvelle plateforme « Je décarbone » qui vise à accompagner les industriels cherchant à décarboner leurs procédés.
A. P. – Constatant la place donnée aux questions internationales et au transport dans les plans hydrogène de nos voisins européens, nous avons lancé une étude sur la compétitivité du coût de l’hydrogène livré, les investissements et la sécurité d’approvisionnement dans différentes configurations d’infrastructures et de volumes de demande d’H2 en 2030 et au-delà. Publiée en novembre 2021, elle démontre l’impact des infrastructures de transport et de stockage H2 pour améliorer la compétitivité de l’hydrogène bas-carbone et donc de l’industrie en France. En massifiant les capacités de production, le déploiement des infrastructures hydrogène entre les bassins industriels pourrait réduire de 10 % le coût de l’H2 renouvelable et bas-carbone livré d’ici à 2030 par rapport à un scénario sans infrastructures.
Ces infrastructures reliant les bassins industriels permettraient de réduire les coûts d’investissements cumulés de 9 % en 2030, soit 300 millions d’euros, et de 19 % d’ici à 2040, soit 3 milliards d’euros. À l’horizon 2040 et à condition que les stratégies de production et de consommation des pays voisins se confirment et que la demande croisse fortement, la connexion des infrastructures françaises au reste de l’Europe pourrait réduire le coût de l’H2 de 32 % pour les consommateurs français, nécessitant des investissements de 1,6 milliard d’euros.
C’est un enjeu d’autant plus important au regard de la place stratégique qu’occupe la France au carrefour d’une zone méditerranéenne productrice d’hydrogène décarboné compétitif et d’une Europe du Nord souhaitant importer de l’H2 bas-carbone. Nous poursuivons désormais ces travaux avec les différentes parties prenantes étatiques et industrielles pour intégrer cet enjeu dans la stratégie nationale hydrogène, voire la future stratégie française pour l’énergie et le climat.
A.P. – Au-delà de l’opportunité écologique de décarboner l’industrie ou les transports, l’hydrogène apporte deux types d’opportunités économiques aux territoires. Produire et distribuer de l’hydrogène compétitif sera un facteur clé de l’attractivité des territoires. Ainsi tous les leviers qui permettent de baisser les coûts de l’hydrogène en France (soutien aux grands projets industriels, bassins hydrogène, corridor de stations, Backbone européen de transport et stockage d’hydrogène…) doivent être étudiés en détail. Par ailleurs, le développement d’une filière française de l’hydrogène (électrolyseurs, piles à combustible, réservoirs, stations…) aura des retombées dans les différents territoires. La mobilisation de l’ensemble des parties prenantes est essentielle pour pouvoir accélérer sur l’hydrogène. Nous avons tous un rôle à jouer pour saisir cette opportunité de réindustrialiser la France et le CSF NSE sait pouvoir compter sur les équipes du groupe Teréga pour ce faire !
Après une dizaine d’années à diriger des actions d’innovation au sein de groupes privés et d’administrations françaises, Aurélie Picart crée le Comité stratégique de filière Nouveaux systèmes énergétiques en 2018. Elle en est la déléguée générale.