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Sobriété énergétique : Teréga apporte sa pierre à l'édifice

Sobriété énergétique : Teréga apporte sa pierre à l'édifice

Alors que la France affronte l'hiver en se passant du gaz importé de Russie, le plan national de sobriété énergétique annoncé début octobre par le gouvernement doit éviter à l'économie d'être impactée par des coupures d’électricité ou de gaz. Comment Teréga s'inscrit-elle dans la réponse à ce défi ? Et comment anticipe-t-elle la perspective d'une sobriété à plus long terme, pilier d'un écosystème énergétique plus vertueux ? Dominique Mockly, Président et Directeur Général de Teréga, partage sa vision de ces enjeux.

La sobriété énergétique peut-elle suffire à faire face aux tensions du marché énergétique européen ?

Dominique Mockly : La sobriété énergétique constitue une réponse nécessaire, car au travers de la crise avec la Russie nous avons perdu 17% de capacité gazière en France et 40% en Europe. Nous ne pourrons pas tout substituer à court terme par d'autres sources d'énergies. La sobriété est donc un outil essentiel pour dégager des marges de manœuvre et permettre à notre système énergétique de continuer à opérer dans cette situation tendue. Les économies d'énergies générées par cette démarche nous donneront de la flexibilité, utile pour faire face, par exemple, à la défaillance d'une centrale de production ou à l'indisponibilité de ressources renouvelables dépendantes des conditions météorologiques.

Mais si elle est nécessaire, la sobriété n'est pas pour autant une réponse suffisante. Elle devra s'accompagner d'une accélération de la transition énergétique : utiliser mieux les ressources disponibles, et mener une réflexion globale sur l'empreinte énergétique et donc écologique de nos activités. Il faudra inventer des solutions et déployer des technologies nouvelles pour optimiser nos consommations, comme Teréga le fait par exemple dans le cadre du projet de réseau multi-énergies intelligent IMPULSE 2025.

Dans l'immédiat, quel sera le rôle de Teréga en cas de difficultés d’approvisionnement en gaz ?

D.M : En tant qu'opérateur de réseau, notre priorité est de sécuriser l'approvisionnement des distributions publiques et la consommation des ménages. Pour cela, nous mettons à disposition l'intégralité de nos capacités de transport et de stockage. Si la situation devient vraiment tendue, nous pourrons actionner les trois leviers prévus par l'état : interruptibilité, rationnement et en dernier recours délestage. Ces mécanismes s'appliquent à nos clients industriels, et nous serons bien entendu à leurs côtés pour passer ce cap. Nous avons prévu les problématiques qu'ils pourraient rencontrer, comme par exemple le temps nécessaire pour mettre en sécurité leurs installations avant un délestage.

Afin d'anticiper les tensions plutôt que de subir des délestages, la plateforme Ecogaz, portée par GRTgaz, Teréga et l’Ademe, leur donne accès à un indicateur hebdomadaire sur la situation du réseau de gaz national, afin qu’ils puissent adapter leur consommation en conséquence pour soulager le réseau. De notre côté, nous les accompagnons dans la mise en place dès aujourd'hui d'une démarche de sobriété pérenne, en leur donnant les moyens d’exploiter au mieux leurs données de consommation pour un pilotage en temps réel. Nous leur proposons aussi de souscrire au service d'interruptibilité volontaire et de signer la charte Ecogaz par laquelle ils s'engagent à déployer un plan concret de sobriété énergétique.

Ces leviers de sobriété énergétique, déployés dans un contexte de crise, peuvent-ils s’inscrire dans une démarche pérenne ?

D.M : C'est en tout cas mon souhait ! Souvent, quand les crises s'arrêtent, les vieux réflexes reviennent vite. Espérons que cette fois les bonnes habitudes demeurent, et que les outils de rationnement d'aujourd'hui deviennent les leviers d'optimisation de demain. J'espère que les fournisseurs d'énergie en conserveront les principes, en y associant des mesures d'incitation et des primes à la sobriété plutôt que des pénalités.

Je pense aussi que la réduction de la dépendance aux énergies venant de loin sera l'un des aspects importants de notre avenir. On ne parlera alors peut-être plus de sobriété mais de renforcement de la souveraineté énergétique.

Quelles opportunités cette tendance ouvre-t-elle aux gaz renouvelables ?

D.M : Les gaz renouvelables répondent au double impératif de réduction de l'empreinte carbone et de sécurisation d'un approvisionnement énergétique de proximité. Ils s'inscrivent ainsi pleinement dans les objectifs actuels des gouvernements européens. Ils ont aussi comme avantage de reposer sur des sources disponibles en continu et dont on peut maîtriser la transformation selon nos besoins : biométhane et biogaz, issus du traitement de déchets, sont indépendants de la météo.

Le contexte actuel va donc servir d'accélérateur à toutes ces énergies renouvelables et locales. Teréga y contribue en développant et en faisant évoluer ses infrastructures dans les territoires : assurant à la fois le transport et le stockage, elles permettent un pilotage au réel parfaitement adapté à ces énergies produites en continu mais dont les consommateurs font souvent un usage discontinu.

Comment les bouleversements actuels du monde de l’énergie impacteront-ils nos ambitions de transition énergétique ?

D.M : Cette crise a eu pour effet positif de nous amener à prendre pleinement conscience de notre dépendance aux énergies fossiles. À l'heure où tout le monde parlait d’électrification, nous avions un peu oublié à quel point nous avions encore besoin du gaz et des hydrocarbures. Aujourd'hui, le plan RepowerEU lie clairement la résilience de nos systèmes énergétiques à la décarbonation et à la capacité à se libérer de ces ressources fossiles.

En France, nous avons la particularité de disposer du nucléaire, qui répond en partie à ces impératifs. Mais l'avenir se construira sur un mix diversifié, incluant massivement un nouveau vecteur énergétique vert, décarboné et produit localement : l'hydrogène renouvelable. Le contexte actuel ne fera qu'accélérer ce virage. La transition vers cet écosystème plus vertueux demandera certes beaucoup d'investissements, mais la crise que nous traversons contribue justement à rendre ces efforts plus acceptables en soulignant sans équivoque leur nécessité.

On sort toujours plus fort des crises. Et comme celle-ci montre clairement le chemin vers davantage d'autonomie énergétique et moins d'émissions de gaz à effet de serre, je suis plutôt optimiste !

Biographie de l'expert

Dominique Mockly

Spécialiste des domaines de la défense, de l’aéronautique et de l’énergie, Dominique Mockly a occupé plusieurs fonctions à la Direction des Constructions Navales, à la Délégation Générale pour l’Armement et à la SAGEM. Il rejoint en 2003 le groupe Areva, en tant que Président de la filiale Technicatome. Il a ensuite été Directeur Exécutif en charge du Développement International du Groupe AREVA, puis Directeur Exécutif en charge du Business Group Aval du Groupe AREVA,

En juillet 2016 il rejoint le Groupe TIGF, n°2 français des infrastructures de transport et de stockage de gaz naturel en France en tant que Directeur Général Exécutif. En octobre 2017, il est nommé Président et Directeur Général de TIGF SA, devenu TERÉGA depuis le 30 mars 2018.

Dominique Mockly est également Maître de conférences à l’ESCP Europe et représentant du MEDEF au Comité Exécutif du BIAC (représentation des entreprises auprès de l’OCDE) depuis 2014.

Il est l’auteur de « L’entreprise cerveau. Petite apologie de la curiosité » publié en novembre 2015, « Le pari du gaz » publié en mai 2018 aux Editions Débats Publics, et avec Louis Naugès, un livre intitulé « Dirigeants, Acteurs de la Transformation numérique ». Son dernier ouvrage « La mondialisation décompressée » a été publié en mars 2021 aux Editions Débats Publics.

Son profil Linkedin
Dominique Mockly, Président Directeur général de Teréga